Le cèdre
« Oui c’est un cèdre.
_ Sacrée silhouette ! »
Les yeux de Jon-Jon grimpent à l’arbre plus légèrement qu’un singe, jusqu’aux derniers plumets élégants. Seule la nuque plie.
« Il a quel âge d’après toi ?
_ Hou! »
Le jour faiblard allume une petite fenêtre de la maison qui a poussé sous le cèdre, avec de la vigne vierge partout qui gribouille les murs.
« Ils ne l’ont pas coupé, c’est étonnant.
_ Pourquoi c'est étonnant?
_ Quand même, ça doit bien te confisquer le soleil, un truc pareil. En plus ça prend de l’espace. Sans ça il y aurait même moyen de faire une habitation plus grande.
_ Cet arbre ne s’impose pas pour autant qu’il nous en impose. C’est très différent, non ? Il me semble. »
Mimi saisit la main de son papa et gymnastique en direction des joncs : un vol de colverts effleure le canal, puis s’élève d’un coup d’ailes jusqu’aux branches du haut, qui remuent lentement dans des poussières d’or.
« Moi je pense comme mamie ! Il faut le garder, parce qu'il est joli !
_ Tu vois ? L’analyse du promoteur immobilier n’est pas en adéquation avec l’expression de la demande.
_ Vous les filles, vous n’y connaissez rien. Mais je vois que je suis en minorité. Allez hop ! Puisque c’est comme ça, on continue la balade !»
Ployant sous les arguments comme un roseau, Jon-Jon offre ses épaules pour y percher les rires de Mimi.